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Les librairies par terre, un véritable enfer pour les livres à N'Djamena

Des livres gisant sur le sol et/ou sur des tables bordent les grandes avenues et artères de la capitale tchadienne, N’Djamena. Ces livres souvent « fabriqués » dans l’illégalité sont très visibles dans beaucoup de coins de N’Djamena. Les librairies par terre se trouvent essentiellement à côté des grands lycées, aux ronds-points ou à l’entrée des marchés.

Photo prise en février 2023 à Chagoua dans le 7e Arrondissement de N’Djamena. Elle représente une librairie par terre gérée par un jeune étudiant diplômé sans emploi.

Les librairies par terre ont la réputation de permettre à celles et ceux qui sont dépourvu.e.s de moyens de se procurer des vieux bouquins à des prix abordables. Par ailleurs, les bouquinistes facilitent les échanges des documents et permettent aux lecteurs de troquer leurs livres déjà lus avec d’autres. Les parents d’élèves aussi trouvent leur compte, car ils ont la possibilité d’échanger les manuels scolaires de leurs enfants qui passent en classe supérieure moyennant quelques billets de banque.

À N’Djamena, toutes les librairies par terre ne sont pas dans le formel. Car rares sont celles qui sont enregistrées à l’Agence Nationale des Investissements et des Exportations (ANIE). Donc, elles évoluent dans l’informel : c’est le marché noir. Les responsables de ces librairies peuvent dire qu’ils n’ont pas de moyens pour enregistrer leurs commerces.

Mais entre exercer ce métier et tirer profit injustement sur les efforts des autres et dépenser 70 000 Fcfa pour enregistrer mon commerce au niveau de l’ANIE ; à leur place, je choisirais la seconde option afin de gagner dignement et permettre aux autres aussi de vivre de leur art !

Les librairies par terre se créent et se développent pour plusieurs raisons :

Le chômage des jeunes

L’absence du travail peut pousser l’homme dans l’illicite et l’illégalité. C’est bien le cas des « gérants » des librairies par terre. Mais ce qu’ils ignorent est que la commercialisation du livre est différente des autres activités génératrices des revenus.

Librairie par terre entre deux grands lycées de la capitale : Lycée Félix Eboué et Lycée Technique et Commercial. Photo prise en janvier 2023

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Le manque de librairies formelles

Après l’or et l’argent, les librairies sont les plus difficiles à trouver à N’Djamena. Une seule librairie est connue par beaucoup des tchadiens : Librairie La Source. Ceux qui achètent des livres, les vrais livres, ont franchi au moins une fois son portail. Cette librairie restée comme une clinique où seuls les plus nantis s’y rendent. Pourtant, toute personne qui connait la valeur du livre ne doit en aucun cas acheter les livres dans ces endroits. Acheter des livres dans ces librairies c’est encourager le faux et ainsi enfreindre à la Loi.

L’absence de contrôle et sanction par l’Etat

Bien qu’il existe un organe appelé le BUTDRA (Bureau Tchadien des Droits d’Auteurs), chargé de protéger les droits d’auteur, les droits voisins et le folklore au Tchad, les droits d’auteurs sont systématiquement violés au grand dam des auteurs, incapables de faire valoir leurs droits.

Malgré les dispositions de l’article 3 du Décret n°313 du 30 mai 2005, portant organisation et fonctionnement du Bureau Tchadien du Droit d’Auteur : « Le BUTDRA est le seul organe sur le territoire national habilité à gérer les questions concernant la promotion et l’exploitation des œuvres artistiques, littéraires ou scientifiques ; ainsi que la protection des droits de leurs auteurs et/ou ayant droit. il est également habilité à gérer sur le territoire national, les intérêts des membres des sociétés, d’auteurs étrangers en vertu d’un mandat, d’un accord de réciprocité ou toute convention à laquelle le Tchad fait partie » ; l’applicabilité fait défaut. Ce qui suscite de l’ironie chez les tchadiens et qui l’expriment en ces termes : « Le Tchad dispose des plus beaux textes du monde ; mais leur application pose problème« . Les juristes sont furieux.

Librairies par terre à Chagoua
Une librairie par terre à Chagoua. Photo prise en janvier 2023

La méconnaissance des efforts des acteurs du livre par les tenants des librairies

Ceux qui falsifient les livres oublient que derrière chaque livre publié se trouve un sacrifice inqualifiable, des dépenses et les contributions multiformes des proches et connaissances. De la saisie ou la transcription du premier mot jusqu’à la dédicace en passant par l’édition et la promotion pré-dédicace, l’auteur se consacre entièrement à ce projet. Etant un auteur d’un recueil de poèmes, je sais combien c’est difficile d’écrire et publier un livre.

Librairies par terre à Moursal
Une librairie par terre à Moursal devant la Cathédrale Sacré-Cœur à N’Djamena. Photo prise en janvier 2023

À tous les libraires et les clients des librairies par terre, sachez que les livres sont des propriétés exclusives de leurs auteurs respectifs. Sachez aussi que le livre a un prix. Donc pensez aux efforts déployés par les écrivains. Sachez récompenser le travail de l’esprit en achetant dans les librairies formelles.

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sonsdecloche

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